Résister.
« C’est quoi résister ? Résister c’est une sorte d’éloquence du cœur, une coquetterie de l’existence… une rose cachée au jardin de l’essentiel. C’est un étrange oiseau qui vole toujours si haut qu’on ne le voit pas et pourtant son passage te laisse au fond des yeux un goût de liberté qui ne s’en va plus jamais. Alors la fatalité est bien obligée de s’écarter pour te laisser passer, en ôtant son chapeau et en s’inclinant bien bas, dans un immense salut que personne ne voit. Résister, c’est s’obstiner à regarder un bout de ciel même s’il est gris ou noir, même s’il tient dans un mouchoir de poche, incarcéré entre des murs trop hauts. Résister c’est ne jamais renoncer à guetter le soleil par l’ouverture d’une bouche d’égout.
Résister c’est être assez têtu pour voir se lever le soleil derrière les barbelés… c’est décider de ne plus céder au mensonge, de ne plus jamais vivre couché, de ne pas s’abaisser, se voûter, ramper mais toujours vivre debout…
Résister c’est refuser tous les mépris, ceux dans lesquels on veut t’enfermer, ceux où tu enfermes les autres et ceux dans lesquels tu t’enfermes toi-même. Résister c’est dire non à une collaboration avec la mentalité de vaincu. Résister c’est ne pas céder à l’obligation de se taire…
Résister c’est une fierté. Résister c’est être capable d’inertie. Résister c’est être subversif. Résister c’est refuser l’intolérance, l’indifférence et la négation des différences. L’argent choisit le riche, résister choisit les pauvres. Les rêves veulent la lune, résister s’accroche au présent.
Résister ne renonce jamais. Résister n’accepte jamais la tranquillité, parce que c’est elle qui est assez lâche pour déclarer les guerres, supporter les attentats, ignorer les génocides, laisser faire les arrestations arbitraires, les tortures, les assassinats et les pogroms…
Résister choisit d’être responsable. Résister à la peur d’être soi-même, à la tentation d’être quelqu’un d’autre que celui que l’on est…
Jean Debruynne
J’ai rêvé d’un Galiléen
DDB, 2008, p. 49-50