Je vivrai par-delà la mort – Khalil Gibran
« Je vivrai par-delà la mort,
Je chanterai à vos oreilles
Même après avoir été emporté,
Par la grande vague de la mer
Jusqu’au plus profond de l’océan.
Je m’assiérai à votre table
Bien que mon corps paraisse absent,
Je vous accompagnerai dans vos champs,
Esprit invisible.
Je m’installerai avec vous devant l’âtre,
Hôte invisible aussi.
La mort ne change que les masques
Qui recouvrent nos visages.
Le forestier restera forestier,
Le laboureur, laboureur,
Et celui qui a lancé sa chanson au vent
La chantera aussi aux sphères mouvantes. »
Sourate el Mouminoune
12 Nous avons certes créé l’homme d’un extrait d’argile.
13 puis Nous en fîmes une goutte de sperme dans un reposoir solide.
14 Ensuite, Nous avons fait du sperme une adhérence ; et de l’adhérence Nous avons créé un embryon ; puis, de cet embryon Nous avons créé des os et Nous avons revêtu les os de chair. Ensuite, Nous l’avons transformé en une tout autre création. Gloire à Allah le Meilleur des créateurs !
15 Et puis, après cela vous mourrez.
16 Et puis au Jour de la Résurrection vous serez ressuscités.
OP
« Toute âme goute à la mort », scande le Coran. Et ces mots sont les mêmes que ceux qui sont employés par la Bible : « Quel homme peut vivre voir la mort ? » (Ps 89,49). Et tu es parti, à ton tour, dans les jours de l’Ascension pour les chrétiens, comme pour souligner à nos yeux que ce « retrait » de ta vie visait plus haut que lui-même.
Mourir est pour le croyant le chemin ultime qui nous mène vers la rencontre avec notre Dieu, quel que soit le nom qu’on lui donne, quelle que soit notre foi. Ce qui faisait dire à Christian Bobin : « La mort et la vie sont si nouées l’une à l’autre que je ne comprends pas pourquoi on a inventé deux mots pour dire un seul éblouissement. »[1]
Nous autres, de Carles, nous avons peu su de toi, sinon ton sourire, ton perpétuel merci à la vie, ta confiance absolue en Dieu et l’absence de toute plainte. Avec toi, nous avons partagé ce que nous avons pu de la vie et de nos repas partagés. Puis de la maladie. Puis de la mort. Et c’est pour faire mémoire et rendre grâce de ces partages que nous nous réunissons aujourd’hui. Pour porter ton nom devant les vivants ici et devant Dieu qui a ouvert ses bras pour t’accueillir.
Tu es parmi nous comme la trace du pas de l’oiseau sur la poussière de l’histoire et du temps. La trace d’une petite joie que nous ne voulons pas oublier, la bonne nouvelle fragile d’une amitié qui rejoint son origine et nous invite à pas l’effacer… pour offrir à notre tour, à tous, cette trace nécessaire de l’accueil et du partage.
Parce que ta mort était aussi la part d’héritage des tiens, là-bas, il nous a fallu apprendre à partager les signes de notre reconnaissance de la foi de chacun et de leurs traditions différentes. Alors, à la demande de ton cousin, nous t’avons laissé repartir vers les tiens. Parce que nous savions que ni ta vie, ni ta mort, ni ton corps, ni tes geste de partage ne pouvaient être notre propriété exclusive. Et nous sommes heureux de t’avoir su accueilli au cœur d’un pardon familial que ta fuite avait désespéré. Bénis soient celles et ceux qui savent augmenter la vie, même celle des morts, par le don d’un amour plus grand que la désolation des feuilles mortes de nos échecs. Ils sont l’image de Dieu au milieu de nous. Ils nous rappellent que le cœur des hommes sera toujours plus grand que toutes nos cathédrales.
C’est tout cela que nous voulons signifier aujourd’hui avec cette plaque qui rappelle ton nom et notre amitié partagée et l’éternité qui, toujours, rode alentour de nos vies pour y marquer l’heure véritablement humaine. Nous voulons t’offrir cette lumière du ciel au sable de pas qui parfois hésitent à reconnaître « ce secret qui est derrière les choses ». Toi qui es maintenant dans les plis du secret de Dieu, nous te disons un grand merci.
Prière des morts (Camel, etc.)
Pose de la plaque
[1] Christian Bobin, Une bibliothèque de nuages.