Nous étions nombreux pour entourer la famille de Gervais. Une (trop) longue attente avant de consulter son médecin. Une amputation de la jambe. Une infection nosocomiale trop tardivement décelée. Et la mort est arrivée. Elle lui a juste laissé le temps d’accueillir avec bonheur (bien loin de son caractère souvent peu amène) les signes du souci qu’Agnès, Jacinthe et d’autres lui ont offert. Il avait demandé à être incinéré et déposé au colombarium du Mas. Ce qui fut fait.
Parole des uns et des autres pour nous souvenir que « Gervais avait été au milieu de nous comme une des lettres de l’alphabet que nous sommes avec lui, un alphabet qui murmure sa part d’avenir, l’avenir commun que nous écrivons, jour après jour. Et, jour après jour, ce que nous écrivons ensemble c’est que « la vie n’est pas fâchée avec nous », que la lumière est au rendez-vous ; que personne n’est ensablé pour toujours dans ses ombres. : « La terre n’est terre que comme terre du ciel… ».
Un des derniers gestes de sa famille de sang, fut de lui offrir une Bible. Gervais a eu de la chance : il a ainsi pu mesurer sa vie avec la mesure dont Dieu se sert pour mesurer chacune de nos vies, malgré les difficultés qui ne cessent d’en perturber le cours : l’amour qu’il offre à chaque visage. Pour ouvrir le cours de nos jours : « L’absurde et les abîmes subsistent, mais avec Aimer dedans, ce qui change tout » (1).
C’est à cette lumière (qui nous rend éternel) que nous avons confié Gervais, au milieu de celles et ceux qui l’ont précédé dans ce columbarium : Martine, Manu, Alice, Alexandre, Serge, Annie, Lucien, René, Maggy, Robert… Avec cette recommandation : « Tu les saluera de notre part, avec tous les autres de la maison qui sont partis avant toi. Et puis, s’il te plait, quand tu seras posé là-haut, demande un certain Joseph de Carles. Dis-lui que son sourire nous manque… Il a mis tant de lumière dans nos vies. Dis-le lui simplement : il comprendra… »
Merci Gervais et repose en paix.
Bien sûr, alcool. Et quand il n’y a pas de veilleur, les hommes se débrouillent entre eux. Pour vérifier que celui qu’ils ont vu partir s’alcooliser est bien rentré (peut-être pas tout à fait au sommet de sa forme) et pour lui donner ses médicaments. A l’heure où l’on parle volontiers de « déshumanisation du monde », voilà un autre monde (celui de Carles) où l’on n’oublie pas de veiller sur les plus faibles. Heureux les pauvres qui donnez autre chose à voir que la normalisation qui prime souvent partout dans nos institutions. Lutter et refuser de se mettre à genoux, disait Camus. « Combattre la peste » en offrant un geste autre : celui de la solidarité… Bravo les hommes !
Le beau temps était au rendez-vous de la magnifique soirée au Mas ce 18 juin. Rendez-vous avec l’accueil des chorales du Grand Avignon venues faire entendre une messe écrite pour l’Ukraine par Karl JENKINS. Merci à Robert Mazzocchi pour cette organisation impeccable : 90 choristes et musiciens face à près des 300 personnes qui ont répondu « présent » à cette invitation où la qualité était, elle aussi, au rendez-vous.
Peu avant, et plus discrètement, parce qu’offert aux résidents dans la cour du Mas, un autre groupe était venu proposer une prestation Jazz, accueillie avec joie par tous.
Au début de l’été, l’habilitation OACAS (Organisme d’Accueil Communautaire et d’Activités Solidaires) a été reconduite pour cinq ans et pour l’ensemble des Lieux à Vivre qui l’ont souhaité. Pour donner un statut à l’activité et aux hommes qui l’exercent. Ainsi la vie associative se poursuit avec une nouvelle équipe qui a fait le déplacement à Paris devant le Conseil National de Lutte contre les Exclusions (CNLE). Bravo et merci à tous.
« Un statut pour les hommes ! Bon », dit un des hommes au tour de la table, « alors quand est-ce qu’on pourra parler clairement de congés pour nous aussi ? Les vacances ce n’est pas réservé uniquement aux salariés ! Je ne me trompe pas ? » Hé, l’ami, tu es mal renseigné. Voilà quelques mois que cela se fait déjà. Cinq semaines de congés pour celles et ceux qui participent aux activités dans la maison. Il faudra que tu rencontres tes délégués du nouveau Conseil de Maison ! Comme pour l’invention du RMI/RSA, chaque nouveauté appelle de nouvelles (ré)solutions ! Merci l’OACAS !
Un papillon blanc
Un papillon jaune
Sur un lit d’orpin blanc
Arabesques synchrones
L’heure est aux retrouvailles
Le chemin fait épousailles.
Échange des petits déjeuners. Surgissent parfois quelques blessures profondes souvent tues mais cause la présence de beaucoup au Mas. Celui-là parle de sa mise à la porte de la maison, le jour de sa majorité légale avec 50 Frs pour tout bagage. Cet autre raconte son départ sac au dos, sans plus de ronds de jambe, face à une parentèle qui lui était devenue insupportable.
A chaque surgissement de ces souvenirs, la volonté de rendre léger ce fardeau de l’exclusion première. A nous de « lire la furtive blessure des regards » (J. Sulivan) et les mépris qui l’ont précédé. Pas pour s’apitoyer mais pour vivre avec eux une autre dimension de la vie : le partage d’une responsabilité vraie dans l’activité, la possibilité d’une VAE (Valorisation des Acquis de l’Expérience) illustrent cette volonté qui est la nôtre : « L’humain, c’est la possibilité de redouter l’injustice plus que la mort », écrivait E. Levinas.
Après de longs mois à devoir payer l’eau (ce qui ne nous était pas arrivé depuis très longtemps) une première annonce se dessine pour se défaire de la note astronomique de l’eau de la ville. Ce qui laisse augurer d’un meilleur temps pour nos finances.
Et chaque samedi matin, c’est le temps du marché au Mas, point de vente supervisé par Patrice, accompagné de Jean et d’un(e) ou plusieurs bénévoles, de Bruno (qui apporte le café)… Outre leurs achats, les visiteurs sont attentifs à se faire expliquer Carles par les bénévoles présents, son fonctionnement et ses à-côtés plus spirituels.
Décès :
Gervais Descoing (résident, le 21/05) ;
Guillaume Lepoutre (ancien bénévole, le 23/05).
(1) Marion d’Elissagaray