Célébration pour Gervais
Columbarium de Carles – 21 mai 2024
<< Il faut que le noir s’accentue pour que la première étoile apparaisse. »
(Christian Bobin)
Accueil
« Aimez-vous.
Aimez-moi.
Si vous m’aimez, laissez-moi m’échapper.
Si vous aimez vos proches, laissez-les s’écarter.
Si vous aimez vos petits, laissez-les s’élever.
Si vous aimez vos grands, laissez-les s’envoler.
Si vous aimez vos défunts, laissez-les s’en aller.
Aimez-vous.
L’éloignement n’empêche pas la proximité.
L’absence ne supprime pas la présence.
L’écart n’interdit pas l’alliance.
La solitude ne rejette pas la solidarité.
Le silence n’interrompt pas la parole.
L’ombre n’éteint pas la lumière… >> (Gabriel Ringlet [1] )
[1] 1 Gabriel Ringlet, Un peu de mort sur le visage.
Temoignages
Agnès
Gervais, Je me souviens d’abord de toi comme d’un homme indépendant et plutôt solitaire. Préférant la tranquillité de ton logement à la vie parfois mouvementée du Mas. Tu descendais très rarement nous voir pour demander de l’aide, essayant presque toujours de te débrouiller seul.
Tout cela, c’était avant….
Avant que tu me laisses un message sur le répondeur me demandant de passer vite te voir. Tu étais tombé deux jours auparavant et tu n’étais pas en très grande forme. Très vite, l’ambulance t’a emmené à l’hôpital. Tu n’avais désormais plus peur de te montrer fragile et une relation nouvelle a pu commencer.
Après l’opération, tu ne t’es pas montré abattu, bien au contraire. Tu avais envie de te battre, avec une seule idée en tête : revenir chez toi au Mas de Carles. Tu as eu très peur que ce retour soit impossible, alors tu as mis toute ton énergie dans la rééducation. Tu t’étais même remis à manger un peu sous le regard de ta petite fille dont tu m’avais demandé la photo.
La nouvelle de ta mort a été une réelle surprise, mais je crois que tu es mort heureux. Heureux de savoir que nous l’attendions en adaptant ton logement à ton handicap. Heureux, car tu avais eu la grande joie de voir toute ta famille réunie autour de toi à l’hôpital.
Merci pour ce que tu as été Gervais et pour ce que tu as donné.
Les résidents
Roseline
Gervais, quelques mots pour nous souvenir de ton séjour au Mas que tu as marqué par ta présence.
Ton lieu d’activité, c’était la cuisine, où tu officiais particulièrement les WE, pour le réveillon de Noël, permettant ainsi à Joël le cuistot en chef de passer Noël en famille avec ses jeunes enfants. Dans cette cuisine, endroit stratégique et convoité, tu préférais t’activer seul, dans ton indépendance revendiquée haut et fort. Très organisé, tu assurais 40, 50 repas voire plus tout seul. Et le résultat était toujours au rendez-vous à l’heure prévue. Tu partageais quand même volontiers tes recettes, tes astuces, allant jusqu’à écrire d’une belle écriture la recette du colombo que je t’avais demandée.
Et puis, quand tu as intégré ton logement dans la maison Jean Farines, tu aimais faire admirer ton « chez toi », ton aquarium habité par de beaux poissons et les fleurs que tu plantais dans des jardinières sur le pas de ta porte et entretenais avec soin.
Tu allais régulièrement retrouver ta famille, enfants et petits-enfants et te réjouissais de passer de bons moments avec eux tous. Et je t’entends encore dire, revenant de chez ta famille : « Ça fait du bien de revenir à la maison et de retrouver du calme
Et te voilà parti pour cet au-delà mystérieux que certains appellent CIEL. Mais c’est quoi le ciel ? Voilà ce qu’en dit quelqu’un(e) transcrit dans le recueil ET PUIS CE FUT LE PRINTEMPS •
Un soir de pleine lune / Installé sur le toit le plus haut / Loin du bruit de la rue / Je questionne le ciel / C’est quoi le ciel ? / C’est où le ciel ? / C’est comment le ciel ? / Me viennent pour me rassurer / Des réponses qui le mettent à ma portée / Si c’était la famille quand elle est lisse / Sans / aspérité / Quand l’amour suinte / Quand la lumière inonde / Si c’était la rencontre du soleil couchant / Sur la mer bleue / Le rayon vert qu’on ne peut surprendre qu’un quart de seconde / Île au milieu de l’océan / Si c’était l’éternité insaisissable / Si c’était… »
Bon séjour au ciel Gervais, pour l’éternité
Témoignage famille + texte bible
Olivier
Une figure de la maison et un sacré caractère ce Gervais. Mais il parait que les cuisiniers sont souvent ainsi. Lui, gouailleur, mais attentif comme jamais à ses poissons qu’il finira par confier à Jean-Luc. Expéditif, mais prompt à répondre à l’un ou de l’autre quémandant un service. Détaché, mais soucieux de la maison, prêt à dégainer l’outil qui convenait à la panne qui survenait il connaissait bien les secrets techniques de cette maison. Ronchon et peu expansif, mais reconnaissant et affectueux avec celles qui se sont occupés de lui à l’hôpital… Quel homme de contrastes ! Il était bien des nôtres : ombres et lumières liées les unes aux autres.
Avant-hier la plupart des chrétiens ont fêté la Pentecôte. C’est-à-dire la venue de l’Esprit : celui qui met la lumière de Dieu sur chacun de nous et dans le regard que nous portons les uns sur les autres.
Pour les croyants, accueillir cet Esprit c’est accepter de mettre de la lumière dans la vie, la lumière de l’amour ; tenter de rendre lumineux ceux qui nous entourent et le monde autour de nous. C’est être témoins des traces de cette lumière qui est le cadeau que Dieu nous fait, qui « fait la nuit patiente et inquiète la mort C’est bien ce dont nous venons témoigner cet après-midi autour de Gervais et de sa famille.
Aujourd’hui Gervais est au milieu de nous comme une des lettres de l’alphabet que nous sommes avec lui, un alphabet qui murmure sa part d’avenir, quelque chose de notre avenir commun que nous écrivons, jour après jour. Et, jour après jour, ce que nous écrivons ensemble c’est que « la vie n’est pas fâchée avec nous », que la lumière est au rendez-vous ; que personne n’est ensablé pour toujours dans ses ombres. « La terre n’est terre que comme terre du ciel
Aujourd’hui, par sa mort, Gervais nous invite « à allumer les lampes de la vie Alors cet après-midi, nous ne pouvons que te remercier, Gervais. En nous redisant les ombres et les lumières de ta vie, tu nous rappelles les ombres des démons qui nous habitent tous et la lumière qui attend d’en surgir. Par manière de plaisanterie, un poète a écrit un jour cette phrase.
« Sous ses ongles noirs j’ai vu de la lumière Avec ses qualités, avec ses défauts, Gervais nous apprend à déchiffrer la lumière qui surgit avec la vie, chacune de nos vies. Et Dieu est avec nous pour cela : pour arrêter l’hémorragie de la lumière en nous. Alors demain, peut-être, si nous le voulons, pourrons-nous partir de l’aurore, puisqu’elle est au bout de nos doigts. Nous rappeler que la vie ne s’arrête jamais et que nous n’arrêtons pas de marcher vers elle… même en boitant, comme le fit notre père Jacob et comme cela vient de t’arriver à toi !
Un de vos derniers gestes pour lui fut de lui offrir une Bible, ce livre qui contient les paroles pour nous faire grandir, pour mettre de la lumière dans nos vies. Gervais a eu de la chance : grâce à vous il aura pu mesurer sa vie avec la mesure dont Dieu se sert pour mesurer chacune de nos vies, malgré les difficultés qui ne cessent d’en perturber le cours : c’est l’amour, le lumineux amour dont il nous comble à chaque instant. Ainsi s’ouvre le cours de nos jours : « L’absurde et les abîmes subsistent, mais avec Aimer dedans. Ce qui change tout » (Marion d’Elissagaray).
C’est à cette lumière (qui nous rend éternel) que nous te confions maintenant, Gervais, au milieu de nous et de celles et ceux qui t’accueillent maintenant dans ce columbarium : Martine, Manu, Alice, Alexandre, Serge, Annie, Lucien, René, Maggy, Eric… Ce sont désormais tes plus proches compagnons… Tu les salueras de notre part ainsi que tous les autres de la maison, ceux des Perrières et d’ailleurs, qui sont partis avant toi.
Et puis, s’il te plait, quand tu seras posé là-haut, demande un certain Joseph de Carles. Dis-lui que son sourire nous manque. Il a mis tant de lumière dans nos vies. Dis-le lui simplement il comprendra.
Repose en paix, Gervais.
O.P. le 21.05.2024
Notre Père
Bénédiction.
On dépose l’urne et on pose la pierre.
Une voix
« Il restera de toi ce que tu as donné, au lieu de le garder dans des coffres rouillés.
Il restera de toi, de ton jardin secret, une fleur oubliée qui ne s’est pas fanée. Ce que tu as donné en d’autres fleurira.
Celui qui perd sa vie un jour la trouvera.
Une autre voix
Il restera de nous ce que nous avons offert entre les bras ouverts un matin au soleil.
Il restera de nous ce que nous avons perdu, attendu plus loin que les réveils.
Ce que nous avons souffert en d’autres revivra. Celui qui perd sa vie un jour la trouvera.
La première voix
Il restera de toi une larme tombée, un sourire germé sur les yeux de ton cœur.
Il restera de toi ce que tu as semé, partagé aux mendiants de bonheur.
Ce que tu as semé en d’autres germera.
Celui qui perd sa vie un jour la trouvera. » (Simone Veil)
Repose en paix, Gervais.